'' Matraque du désir | Une histoire de la performance sur la Côte d'Azur de 1951 à nos jours

Matraque du désir

Concepteur: 
Jean Mas
Executant: 
Jean Mas
Sources bibliographiques: 
cité in Jean Mas, trente ans de Performas, Alain Amiel, 2008, p.87
cité in Performas, 40 ans d'art d'attitude, Alain Amiel, 2010
Contexte théorique: 

The original title in french is "Matraque du désir". It has a double signification : a "matraque" is a baton, a riot stick, and "ma traque" means my hunting down.

Effectuations: 

Matraque du désir

Muriel Anssens
Synopsis / Description: 
Captation montée de la performance extraite de Un « peu » de Jean Mas.
Performances: 
Description: 

Jean Mas apporte sa contribution au séminaire par une intervention-lecture dont voici un extrait :

"Vous qui suivez le désir en suivant ici ce qui, en, fait, vous précède.
Mais comment savoir puisque ce désir d’un autre désir devrait nous conduire ce soir aux confins de ce qui se fait, se dit avec le désir.

Pour y voir un peu plus clair, il est bon parfois d’aller chercher, d’aller fouiller dans les tas.
C’est aussi un travail sur le tas. Il y a des jours où les tas s’imposent à nous.
Dans le langage courant par exemple : “J’ai des tas de...”.
Chez mon voisin le ferrailleur, on y découvre des tas de tas...
J’ai relevé chez lui, après examen, des tas de possibilités de faire ailleurs et le fait railleur avec l’artiste.
Le faire ailleurs intervient avec le fait railleur (ficelle du désir).
Je viens ce soir vous présenter en quelque sorte des tas que d’autres nommeront des “cristallisations signifiantes” et les mettre à l’oeuvre.
Et j’y tiens, pour qu’apparaisse ce qui se tient du désir, à vous présenter une approche qui ne se justifie que de ma place d’artiste.
Aussi, sommes-nous déjà avec ce déplacement, dans une distance, c’est-à-dire un temps.
Pour aborder le désir dans sa généralité, il faut me semble-t-il, évoquer (à défaut de connaître), l'histoire du temps.
Je vous propose de considérer ici TEMPS et DÉSIR et de les situer avec les travaux de Michel Foucault.

M. Foucault dégage dans la pensée grecque trois expériences du temps qui correspondent chacune à des arts de se conduire d’un point de vue :
- diététique = bon moment
- économique = maintien de ce temps tout au long de l’existence
- érotique = temps fugitif
Ces trois temps se sont en quelque sorte unifiés.

Doctrinalement, surtout avec Saint Augustin, je dirais : “ Bon temps et mauvais temps”.
Corrélativement, le désir est venu au centre de la problématisation de la conduite sexuelle, ce qui nous amène à penser l’amour en terme de désir et d’éternité.

Voilà où nous en sommes avec le Sujet du Désir qui est une catastrophe de la rationalité judéo-chrétienne et que la psychanalyse se coltine !
Le temps, son expérience, coïncide avec celle du désir. Conscience d’un manque et du délai nécessaire pour le combler (du moins le croire).
L’absence de désir nie le temps (sans temps). Certains se sont engagé dans cette voie (mystique). Ce n’est pas la mienne. Aussi, pour le moment, j’en resterai avec ce philosophe G. ARCHITAS (le t.1 l’intervalle de la nature entière).
La nature des tas. Pourquoi AR CHY TAS ?
Mais ce n’est pas le propos, continuons... La psychanalyse passe et s’élabore par et dans des voies les plus diverses et surprenantes. C’est ce qui permet son avancée : clinique...
Donc cette élaboration, il est bon parfois toujours d’en retrouver le contexte, d’en connaître les prémisses afin d’en rendre comestible, intelligible le dépôt. Car, faute de pouvoir toujours réinventer la bicycle, nous utilisons des dépôts comme base de travail.
Comestible, elle l’est, la belle bouchère. Aussi, je vais vous en rappeler l’histoire puisqu’elle apparaît comme incontournable pour saisir ce fameux passage de Freud à Lacan, sur fond de désir, évidemment...
Donc, comme il se dit : “Il était une fois une belle bouchère.”
Elle avait de l’esprit et se plaisait à taquiner le client. Elle connaissait aussi les théories de son ami le Docteur Freud.
Un jour elle lui dit : "Vous dites toujours que le rêve est un désir réalisé... Alors comment accorder cela ? Car j’ai rêvé que je souhaitais donner un dîner avec des tranches de saumon fumé. Or le poissonnier étant fermé, je n’ai pu organiser ce repas."
Ce rêve n’a donc pas réalisé mon désir, vous voyez bien !!! Et elle rit.
Freud, prudent, questionne la belle ! Elle raconte : son mari, un gros boucher, la diète..., faisant une plaisanterie un peu grasse pour montrer le caractère gai de son mari dont elle est très amoureuse. Soudain, la bouchère dit à Freud de ne pas lui donner de caviar. Freud questionne...
La bouchère lâche un nouveau morceau : visite à une amie maigre... Le boucher préfère les femmes bien en chair...
Le rêve devient clair, il ne fallait surtout pas donner un dîner. Comme par hasard, le saumon fumé est le plat de prédilection de l’amie qui, étrange, se le refuse comme la bouchère le fait du caviar.
Le désir est quand même réalisé. Freud l’explique à la bouchère mais garde pour la bonne bouche l’explication ultime...
Le caviar, élément inexpliqué par deux fois, la belle bouchère se refuse un désir. Par contre, l’amie qui, elle, adore le saumon et qui se le refuse, exprime un voeu simple : engraisser la bouchère. En rêve, elle sanctionne son amie.
Pas de dîner, pas d’engraisse. Elle s’est donc identifiée à elle. Elle est jalouse de la bouchère. C’est le triangle hystérique : le mari, la femme, l’amie...
Tout cela est dans la science des rêves.

LACAN : "la belle bouchère désire du caviar dont elle ne veut pas tout comme son amie :
elles ne veulent pas de quelque chose qu’elles désirent :
- un : le miroir
- deux : le manque
- trois : le désir.

Comment une autre peut-elle être aimée par un homme qui ne saurait s’en satisfaire. Identification hystérique avancée par Freud puis Lacan.
En quoi la femme s’identifie à l’homme et la tranche de saumon fumé vient à la place du désir de l��autre ?
Comment une autre peut-elle être aimée ?
La bouchère devient cette question. Pour y répondre, elle se place en position masculine.
Lacan transforme la tranche de saumon en désir de phallus.
Le désir se manifeste dans cet intervalle entre le besoin et la demande pour autant que le sujet articule la chaîne signifiante en faisant surface avec son manque à être pour, dans son appel, recevoir le complément de l’autre, si l’autre, lieu de la parole est aussi lieu de ce manque.
Demande de la bouchère du saumon ou du caviar. Désir de la bouchère à qui manque et le saumon et le caviar.
Demande de la bouchère sur un objet, désir sur un manque, un manque qui s’appelle l’Autre.
Le désir vous savez, on ne peut le prendre en photo. Par contre, il peut apparaître et vous ne le verrez pas forcément même s’il est comme le nez au milieu de la figure ou comme la bête cachée dans l’arbre.
Vous ne le verrez pas forcément car il s’enracine dans l’imaginaire du sujet. Son corollaire, c’est le fantasme.
Aussi, en plaçant des bandes pour rebondir des tas, vous pouvez en quelque sorte disons, sentir sa marque après avoir placé un encadrement c’est à dire des bandes !
Les plus fréquentes sont celles constituées par le Moi idéal et l’Idéal du Moi, concepts anciens mais qui nous ont suffisamment marqués (rappel : le père : ce qu’on voudrait être, la mère : celle qu’on voudrait avoir).
Lorsque je tourne en rond, il m’arrive de chercher à créer les conditions d’un renvoi en plaçant disons des bandes (c’est aussi intéressant que le renvoi de l’Autre).
Tenez, pour un bon renvoi, est-il bon de faire n’importe quoi ?
Comme par exemple, de chercher à photographier le désir ? !

Il faut vous dire qu’au même moment, je prenais connaissance du commentaire de Lacan sur la belle bouchère !
À cette même période, un artiste fit son apparition sur la scène artistique. Tenez-vous bien ! Il se nommait BŒUF.
Il fut bien sûr à la mode. Certains l’ont connu : il a exposé chez Lola Gassin et il exposait du boeuf... On a eu droit à tous les morceaux. Il exposait du bœuf, thème dans lequel il excellait. Je l’ai suivi quelque temps. Peut-être plaçait-il avec son nom cet autre philosophe Grec Xénophane : si un bœuf savait peindre son Dieu, il ressemblerait à un bœuf.
Les psy devraient être plus nombreux à suivre les artistes. Ils pourraient enrichir leur pratique.

Un jour, à l’occasion d’une discussion, après avoir bu, j’ai blessé, écorché Bœuf. Il a pris la mouche...

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