ACTION SAUVAGE ET SOLITAIRE* / MODE D’EMPLOI
*Tout accompagnement crée une distraction et une distanciation, trop de réflexion et de doute pour agir. Trop de commentaires. Perte de temps. Perte du moment juste. Un regard de trop qui fausserait le jeu avec la rencontre des autres, des anonymes. Qui établirait un repère. Ce serait une cellule attaquable facilement. Le compagnon qui attendrait que l’action se termine serait aussitôt sollicité par l’extérieur, assailli de pourquoi et de comment. Il faut assumer pleinement en soi, ses actes. Folie ou absurdité, peu importe le jugement, l’action doit être.
1. Partir avec quelques accessoires vestimentaires, légers et discrets ou se débrouiller pour camoufler jusqu’à la prise de vue, les « costumes » un peu voyants (robe de mariée etc.). Penser aussi à la survie du corps (eau et biscuit au cas où). Prendre sa caméra vidéo et un pied discret, ou son appareil photo. Aller à pied, en vélo, en métro ou en bus.
2. Chercher les endroits, s’arrêter. Regarder. Sentir l’espace. Vérifier les possibilités. Poser le pied ou l’appareil sur un banc, un escalier, un support quelconque présent. Stabiliser. Cadrer. Attendre que disparaisse de l’image le flux de la ville avec ses passants, ses promeneurs, ses enfants, ses chiens… mais le visiteur surprenant pourra être intéressant. A priori il ne devrait pas y avoir âme qui vive dans la prise. Lancer l’enregistrement. Courir et se placer dans la position de départ du déplacement désiré. Ou bien démarrer dans le champ supposé en in, et directement faire sa « danse du fantôme ». Revenir vers la caméra. Attention toute prise peut être intéressante. Il vaut mieux voir large. Car il y a des prises complètement hors champ parfois. Il est bon de renouveler deux fois et aussi de changer les cadrages et les points de vue. Ne pas oublier le montage final. Prévoir des plans de coupes. Des prises de détails alentours. Penser aux raccords aussi. Spontanément des choses arriveront et surprendront au mieux. Là encore l’image joue avec le hasard d’un mouvement incontrôlé qui va interférer. Prévoir. Anticiper. Pendant toute l’action, garder un œil vague sur le matériel de préférence et alentour pour voir si un vol ne pourrait pas être fait. Il vaut mieux rester à une distance raisonnable du matériel.
Revenu à la caméra, il est bon de vérifier quelques secondes l’enregistrement. Ne pas trop traîner sur place pour éviter les questions, commentaires et passants qui tiennent la jambe et vous cassent le feeling. Pas de temps perdu car le ciel avec ces changements climatiques pourrait casser les ambiances filmiques. Essayer d’ailleurs avec différentes expositions de lumière. Faire ce qu’on peut un jour. Et continuer le lendemain. Cela peut prendre une semaine avec ces décisions d’aller dans un secteur, quartier, chaque fois différent. Ne pas penser à la suite filmique finale. Le travail « narratif » le lien se trouvera plus tard.
COMMENTAIRE
Ce qui est bien c’est de jouer, de voler, de capter vite. D’être là au bon moment. Pas trop de préméditation ça coupe les pattes, ça arrête l’énergie. Foncer. Y aller seule contre l’inconnu. Les autres seront là, sont là. Il faut lutter contre toutes les timidités. Il faut être sous le regard des autres et sans parade. Sans cadre officiel. Assumer son comportement sans le filet artistique traditionnel. La performance joue sur la surprise, l’anachronisme, l’irréalité de la situation, du décalage. Action généreuse qui donne à qui veut voir, veut prendre, veut bien. On rencontre peu de comportement agressif. Les enfants sont toujours émerveillés. Les adultes se laissent aller au charme. Ça fait pas de mal : douceur. Voilà, c’est cadeau de la vie. Ça fait beau au cœur. Ça arrive. Ça part.
C’est simple. C’est une énergie qui passe ici et là. C’est libre. Des fruits de vie dans la boîte, cueillis.
Y a plus qu’à faire la confiture à la maison.
MONTAGE
Rien de spécial, fait maison. Un peu barbant la vidéo des fois mais le filon arrive et on sait comment ça opère. Une composition de couleurs, de lignes qui s’agencent qui prennent des sens symboliques. On trouve les fils, on tire ça vient tout seul.
J’aime cette expérience globale. Je prévois de le faire pour Edimbourg la prochaine fois que j’irai.