'' De la bêtise des psychiatres | Une histoire de la performance sur la Côte d'Azur de 1951 à nos jours

De la bêtise des psychiatres

Concepteur: 
Pierre Pinoncelli
Executant: 
Pierre Pinoncelli
Effectuations: 
Documents: 

Convocation officielle des psychiatres

Type: 
Imprimé
Technique description référence: 
Convocation officielle des psychiatres
PINONC
Convocation officielle des psychiatres in plaquette <em>Mourir à Pékin</em>, Pierre Pinoncelli, 1974
Pierre Pinoncelli | trace de la performance "De la bêtise des psychiatres", 1969 | Convocation officielle des psychiatres in plaquette Mourir à Pékin, Pierre Pinoncelli, 1974 | © DR | courtesy Pierre Pinoncelli
Description: 
À cause de son happening Attentat culturel, perpétré contre le ministre André Malraux et le peintre Marc Chagall, Pierre Pinoncelli est convoqué pour des examens psychiatriques. Ces tests qui devaient durer 3 jours, seront très écourtés.
Extrait de Meurtre Rituel, Pierre Pinoncelli, 1969, non paginé.

« Cette société (anonyme bien sûr… de cette manière, elle peut sans cesse faire faillite, et recommencer !), cette société donc a deux moyens très simples de m’éliminer : ou bien, elle me fait déclarer « responsable » (un Juge d’Instruction peut très bien ne considérer que l’acte, et ne pas s’occuper du motif artistique. Par exemple, pour le Hold-up au pistolet-à-eau contre la Saltim-Banque Rothschild, m’inculper froidement de hold-up !), et me faire envoyer en prison pour quelque temps, en espérant que cela me fera réfléchir… (comme si on « réfléchissait » en prison ! … on durcit… comme du pain, c’est tout !). Ou bien, cette société S.A.R.L. peut me faire juger « irresponsable », par ses psychiatres, sous le prétexte d’être dangereux pour elle, ou pour moi-même (sic !), et me faire aussi enfermer – mais à l’asile – dans une camisole de faiblesse.
Après l’attentat-aux-mœurs (d’une certaine culture) contre Malraux, le Juge d’Instruction Menant – un brave homme pourtant – m’a bien fait passer un examen psychiatrique !!! Et ceci, après un entretien de trois heures avec moi, au cours duquel il avait bien pu se rendre compte que je n’étais pas « fou » ! Par amusement, et par curiosité (je voulais me voir avec des électrodes sur la tête, comme des bigoudis !), j’ai accepté de me soumettre à cet examen. En fait, j’aurai dû refuser (est-ce qu’on m’y aurait traîné de force par les cheveux ?... pas par les cheveux, en tout cas !).
Car – s’il n’y a pas eu plus d’électrodes sur ma tête que de beurre dans la soupe de PAPILLON quand il était à Cayenne – cet examen avec les médecins-psychiatres Rancoule et Camuzard m’a éclairé d’une lueur courbe sur la tendance maladive de ces gens-là à vous juger « anormal » !
Je leur avais pourtant bien expliqué – avec la tendresse incroyable de mes gestes, et l’appui sur les mains d’un dessin à la craie sur le mur de l’hôpital – comment cet attentat contre Malraux s’insérait dans une suite d’actes parfaitement logiques, volontaires, et accomplis de sang-froid : les happenings. Mais leur diagnostic est tombé, comme la tête de Danton dans le panier à sciure : HYPOMANIE ! Définition, selon le Larousse « Affection mentale caractérisée par de l’euphorie, par l’exubérance des idées et leur succession rapide, et par de l’agitation » (je trouve, en fait, que cette Hypomanie est une « maladie » pleine de qualités… et je suis même drôlement content d’être « malade », puisque les gens bien-portants, eux, souffrent de dépression, de pauvreté et de rareté d’idées, et d’être amorphes !). »

Pierre Pinoncelli

Ces messieurs m’ont affublé – comme d’un vieux chapeau abominable et plissé – d’un « état de sublimation artistique » (sic !), d’une « euphorie dangereuse » (presque un gaz hilarant, en somme !), et d’une « impulsion irraisonnée pour cet acte bizarre qu’est le happening » (re-sic !).

C’est pour contredire les conclusions délirantes de ces pépsychiatres que j’affirme – et je monte sur une chaise percée pour l’affirmer plus haut – que la seule « impulsion irraisonnée » à laquelle j’ai eu envie de me « laisser aller » juste avant l’attentat, notamment lorsque les motards de l’escorte ministérielle ont commencé à déboucher de l’avenue de Cimiez, a été de FUIR… fuir vers la mer, en mackintosh, et nager vers l’horizon clouté d’orange… fuir vers mon bateau-à-voile, et larguer le spinaker… juste pour voir trembler sa chair multicolore dans le ciel chichiteux…

Mais j’ai résisté à ce qui aurait été pour moi un « délit de fuite », car je suis plein, jusqu’au bord des yeux, d’un liquide explosif (que ces psychiatres doivent ignorer, car ils n’en possèdent pas une goutte, sans doute), ce liquide coloré s’appelle : le COURAGE… J’ai honte d’avoir à me servir de ce « gros mot » très ridicule et que je déteste, car on le rencontre, en culottes rouges et bombant le torse, dans tous les livres d’Histoire de France !

Bref, quand je contemple la tristesse affreuse et l’ennui des « gens normaux », je suis heureux d’être « FOU » et joyeux… la « FOLIE », c’est le don translucide des fées aux poètes et aux artistes ! VIVE LA FOLIE !
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