'' Catamnésie | Une histoire de la performance sur la Côte d'Azur de 1951 à nos jours

Catamnésie

Concepteur: 
Éric Duyckaerts
Joseph Mouton
Executant: 
Éric Duyckaerts
Joseph Mouton
Effectuations: 
Documents: 

Carton d'invitation

Type: 
Imprimé
Technique description référence: 
Carton d'invitation
DUYCKA
Éric Duyckaerts, Joseph Mouton | trace de la performance "Catamnésie", 2003 | © Eric Duyckaerts | courtesy de l'artiste
Témoignage: 
Joseph Mouton pour Éric Duyckaerts et lui-même | Catamnésie, 2003
Description: 
La performance, qualifiée de « causerie », partait du thème d’une chanson chantée par Jeanne Moreau « J’me souviens plus très bien » et l’exposait au carré : « J’me souviens plus très bien de « J’me souviens plus très bien » ». Ce traitement était appliqué à d’autres monuments de la culture populaire ou assimilée. Par exemple, Joseph demandait à Éric s’il se souvenait de la source d’une histoire qui commence ainsi : « Un matin, un homme se réveille, prend son café normalement, avec une tartine ou je ne sais quoi ; — toujours est-il qu’au moment où, après avoir trempé sa tartine dans son bol et l’avoir portée à sa bouche, il avale la première bouchée, d’un coup « tout lui revient », c’est-à-dire qu’il se souvient de beaucoup de choses, et même de beaucoup plus de choses qu’il ne saurait dire… » S’ensuivait une conversation sur l’origine de ce souvenir culturel, qui achoppait sur le nom de Marcel, probable prénom de l’auteur de cette histoire, qui ne se situait décidément pas au petit-déjeuner, mais plus probablement à l’heure du goûter… Les différentes réminiscences dialoguées étaient entrecoupées de démonstrations burlesques (les performeurs se servaient notamment des vitres de la double porte-fenêtre devant laquelle leurs deux fauteuils avaient été installés (à l’extérieur : il se trouvait que le temps était très doux pour une après-midi de décembre) comme d’un tableau noir sur lequel ils écrivaient au feutre blanc leurs formules ou mots-clefs), de chansons et autres interludes. Qu’est-ce qu’une causerie ? se demandaient ainsi les causeurs au début de leur causerie : « N’est-ce pas la cause du rire ? — Mais que faut-il pour qu’une cause rie ? — Ou sourie ? car ne dit-on pas d’une cause qui est cause d’elle-même qu’elle est CAUSA SUI ? — Causa souRit, moins R ? »
Parler des performances avec Joseph Mouton en me limitant à la Côte d'Azur est un peu difficile. Tenter d'expliciter les schémas, les détails, les anecdotes des trois performances mentionnées ici dépasse les forces de ma mémoire. Par rapport à la Côte d'Azur : la présence de Joseph fut décisive pour mon installation à Nice en 2001. Les autres bonnes raisons que j'avais échafaudées de venir à Nice se sont toutes effondrées, mais pas celle-là : l'amitié de Joseph reste déterminante dans ma manière d'essayer d'envisager les choses. Notre première performance, à la Villa Caméline, est un souvenir lointain : très bon. Beau soleil d'hiver dans le jardin, fauteuils confortables, problèmes de son, rires, etc. Excellent accueil de Cédric Teisseire et de toute l'équipe de la Station, sans oublier la maîtresse des lieux, Hélène Fincker. La sensation de se comprendre tout de suite, avec Joseph, mérite peut-être un examen. Dans le cas de notre première performance commune, il y avait de l'inquiétude de part et d'autre. Moi non plus, je n'avais jamais collaboré dans ce genre d'exercice. Aussi, nous étions-nous préparés beaucoup plus que nécessaire, comme la suite nous l'a appris. Aujourd'hui, je peux dire que Joseph est très préparateur. Il aime bien avoir une conduite assez bien dessinée. Pour ma part, j'accepte ses schémas directeurs avec plaisir, et j'y rentre comme un naïf cultivé. Pour les chansons – toutes de Joseph – et il y en a toujours beaucoup, j'y rentre aussi, comme un chanteur à la fois timide et sûr de lui. Notre collègue Christian Bertoux, qui s'y connaît, a dit que les rôles étaient évidents : le clown blanc et l'Auguste. C'est vrai que je suis sérieux et que Joseph n'hésite pas à faire le pitre. Mais je n'ai pas le caractère traditionnellement autoritaire du clown blanc et les propositions les plus sérieuses sont souvent le fait de mon ami, y compris dans le chant. Un stimulant très puissant dans ces performances est l'usage que Joseph fait du nous. « Éric et moi, nous pensons... » D'une manière générale, je dois toujours faire un effort pour accepter le nous dans les réunions publiques. J'y vois comme un coup de force, un putsch, un truc politiquement inacceptable. Que sont les nous de Joseph quand il travaille avec moi ? Des nous cités. Avec Joseph, et nos facéties, ce nous devient ce que j'aimerais qu'il soit toujours. Le nous inventé par Joseph s'exerce désormais dans les Straubismes. Mais ça, comme disait Kipling, c'est une autre histoire.
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